Le
mardi 20 juin, j'avais eu une consultation avec Marie-José. C'était
sa petite-nièce de 24 ans, décédée d'une crise cardiaque qui
était venue ce jour-là. Bien évidemment, je ne connaissais pas son
histoire. C'est de cette rencontre qu'elle se confia sur le suicide
de son mari. Il s'était défenestré de leur appartement, à Seynod
six mois auparavant. Marie-José expliqua avec des larmes qu'il avait
profité qu'elle soit partie quelques jours chez leur fille. Je
n'avais pas encore identifié tous les contours de la situation que
je ressentais vivement le besoin de me rendre sur place.
Le
lundi 25 juin 2017, j'avais pris partie de venir avec mon compagnon,
Olivier chez Marie-José. Il y avait plusieurs immeubles et je ne
ressentais aucune sensation à ce moment là. Marie-José était
venue à notre rencontre pour plus de facilité.
J'avais
une inquiétude qui me semble-t-il était légitime. Car nous ne
sommes pas en contrôle mais nous subissons des ressentis
incontrôlés qui nous dirigent pleinement de l'intérieur et c'est
en cela que nous pouvons transmettre des informations
extra-sensorielles.
C'est
en rentrant dans le hall de son appartement que tout a commencé pour
moi réellement. C'est surprenant de parler de réalité alors que
tout n'est que sens, perceptions, intuitions.
Marie-José
m'a confié qu'elle avait l'impression de ressentir une gêne
désagréable chez elle mais elle en expliquait guère davantage.
C'est
en faisant mes premiers pas, guidée vers sa chambre que j'ai compris
que la présence de son mari était bel et bien là. Je le voyais
comme je vous vois de manière allongé sur le lit, du côté gauche.
La confirmation de Marie-José m'avait rassuré. Nous cherchons tous
à être rassuré, compris et parfois soutenu même en tant que
médium, encore plus en tant que médium.
C'était
pour moi important que mon compagnon marque chaque mot ou impression
qui pouvait permettre de confirmer la présence de l'esprit d' Eric.
Quand à moi, je rendais des comptes sans en rendre directement
d'ailleurs. J'avais besoin de le sentir vivre et me faire vivre à
son tour son quotidien pour que Marie-José puisse prendre pleinement
conscience de l'atmosphère présente et ainsi l'amener à accepter
son réel départ vers la lumière.
Car
en vue de mes expériences, j'imaginais le même scénario de ce
corps qui errait dans le bas astral , n'ayant lui-même pas
connaissance de sa position actuelle, refaisant son quotidien dans un
détachement totale à notre présence et à la vie terrestre. A la
fois, nous étions d'une transparence totale et à la fois, il savait
répondre à certaines de nos questions lorsque nous nous adressions
directement à lui. Il ne s'agissait pas d'un paradoxe mais juste
d'une question de vibration du coeur.
En
lui parlant, je vibrais à sa fréquence et rentrais dans son canal
ce qui faisait qu'il pouvait me répondre sans qu'il est conscience
ou non de sa mort. Je ne le sentais pas apeuré ou si désorienté
que ça là où il était. Pour lui, il répondait comme si nous
étions bien sur le même plan. Puis, en cessant de faire attention à
lui, je changeais de canal et le laissait ainsi vaquer à son
quotidien sans que nous soyons présents de nouveau.
Cela
parait simple si nous prenons l'exemple qu'en s'adressant à notre
enfant ou à un ami ou bien encore à un étranger, on ne s'adresse
pas à lui de la même manière et en cela, on ne vibre pas de la
même manière dans le coeur car nos sensations sont différentes.
C'est ainsi que je fonctionne pour les percevoir dans leur plan
astral. Les défunts m'offrent ainsi un champ de vision large de là
où ils sont lorsqu'ils viennent me voir.
Revenons
à mon histoire, en buvant un café, Marie-José nous parle de sa
souffrance avec lui ces derniers temps, du deuil difficile. Ces mots
résonnent en moi et c'est là que je vois apparaître dans mon
intérieur, en image figé un homme brun d'un cheveu fin, faisant la
taille de Marie-José, les yeux noirs, habillé de sombre voire de
noir, de chaussures en cuir foncé. C'est comme ça qu'il était
revenu la veille de sa mort d'un séjour à l'hôpital, dit-elle.
Puis
cela se poursuit. Ma première sensation est d'aller sur l'un des
deux balcons qui se trouvent le plus près de la salle à manger.
C'était là qu'il avait sauté, confirme –t– elle ensuite. Je me
sentais attirée comme un aimant. Et il m'apparaît sur cette chaise
en paille, en train de fumer une cigarette, penseur, regardant dans
le vide. Une seconde image se colle à celle-ci. Je le vois en train
de mettre le pied gauche sur le muret du balcon, avec une sensation
désagréable de se mettre en arrière, le dos contre le vide, pour
perdre l'équilibre et ne pas avoir cette impression de passer à
l'acte. Elle précisera qu'il y avait quelque chose que les pompiers
ont retrouvés pour l'aider à sauter. Mais rien ne venait à moi à
cette interrogation.
Ce
fut probablement l'escabeau que je cherchais dans le cagibi sans
savoir exactement quoi. Je l'avais ouvert par nécessité pour aller
prendre quelque chose mais sans en déterminer la raison. J'avais
appelé la pièce cagibi alors que d'autres noms se prêtaient à
cela comme débarras, cellier. Or, cagibi avait été la bonne
dénomination.
Je
reste un moment comme si Eric venait souvent dans cette pièce. Il me
fait revivre des actes de sa vie quotidienne. Et je le vois en train
de monter sur un escabeau en train de tapoter avec sa main la
dernière étagère du haut comme s'il cherchait un petit truc qui ne
devait être vu de Marie-José. Elle n'avait pas de réponses à ce
geste, peut-être de la drogue suite à un sevrage effectué quelques
années auparavant.
Ensuite,
il me fait ouvrir un petit placard de rangement où se trouvaient les
produits alimentaires et se sent agacé par l'une des portes qui
bloque à l'ouverture.
Je
me mets à entendre "rasoir" comme une pensée venait se
greffer à mes pensées, dans ma tête en arrière plan de mon crâne
mais je n'y prête pas attention au point de ne pas en parler.
Assise
sur sa chaise, elle discute avec mon compagnon et pleurant de
douleurs et d'incompréhension, elle s'interrogea à haute voix.
Est-ce qu'il m'aimait?
Et
d'une intonation vive et aussi instinctive, j'entends lui répondre
avec ma voix, de manière étonnante.
Oui.
Oui ...ma ouinette
Marie-José
donnait ce petit surnom à son mari.
En
revenant au passage à l'acte d'Eric, Marie-José me confirma dans ma
recherche dans ce cagibi que l'escabeau avait donc servit pour
l'aider à sauter. Il avait été alcoolisé. Elle m'avait devancé
dans mes mots. Je voyais une bouteille à la forme carré, droite de
marque scotch peut-être. Elle acquiesça.
Mes
instants de silence m'aide à mieux sentir ce qui se passe. Je suis
en état méditatif mais consciente. Comme confie mon compagnon, cela
ne se voit pas de l'extérieur. Pourtant, je me sens différente de
l'intérieur. Mon état est au ralenti, détendue, à l'écoute,
fermant les yeux par moments pour percevoir davantage les images qui
me sont données. Je n'ai qu'à suivre le mouvement de l'esprit.
Il
m'emmène ensuite dans la pièce voisine au cagibi, une seconde
chambre où se trouve un canapé en cuir beige, une grande armoire.
Il n'y a pas de lit pourtant je vois allongé Eric sur le canapé. Je
ressens une habitude dans cette scène. Marie-José me précisa enfin
par mes ressentis que son mari dormait là ces derniers mois car il
souffrait trop.
Le
tour se poursuit dans la pièce de bureau avec une sensation
négative, de colère projeté par Eric. Je ressens en lui qu'il
n'aime pas trop, que cela le pèse, le dérange et que c'est en lien
avec les jeux. A ces mots sourds et si forts en moi, Marie-José me
transmit qu'elle jouait sur l'ordinateur, tous les jours et qu'elle
joue encore depuis son décès.
L'atmosphère
est légère donnant l'impression que je parle toute seule face à
moi-même, à l'acte II scène 1 de "communication avec les
morts". Bref, j'essaie en vain d'exclure toutes sensations de
peur et gêne qui proviendraient des spectateurs de la pièce. Je me
laisse en continium dans cet état méditatif qui permet d'être
sujette à des émotions sans attache comme si mes pensées ne
dirigeaient qu'au second plan ce que j'étais, laissant place
intérieurement à l'observation.
Il
m'arrive parfois d'entendre au loin dans ma tête les sensations de
son esprit. Il regarde le bas du frigo, le congélateur et insiste
sur le fait d'aller l'ouvrir. C'est au second tiroir que se trouve ce
qu'il veut mais je n'arrive pas à déterminer quoi. Mais il adore
ça! C'est une certitude. Marie-José évoquera son péché mignon
au-travers les glaces. Il en mangeait presque tous les jours.
J'étais
encore assise en train de finir mon café que je ressens le besoin de
me lever une nouvelle fois pour aller dans le hall en m'adressant à
Marie-José suite à mes paroles de tout à l'heure dans le cagibi.
J'entendais Eric me souffler à l'oreille qu'il y a un souvenir de
lui qu'elle tenait plus que tout. Marie-José s'était retrouvée un
peu déboussoler ne sachant quels souvenirs étaient plus importants
que l'autre. Pour en venir à cette statue qui venait de m'attirer le
regard dans le couloir, Marie-José me raconta qu'avant de se rendre
chez moi à la consultation du lundi 20 juin, elle avait été
surprise de le voir décollée de son socle et retenue en arrière
contre le mur. N'ayant pas de chat, Marie-José avait fini par
interroger Eric de ce fait.
Cette
dernière me confia avec tristesse qu'Eric avait gagné cette femme
blanche à un concours. Ils y tenaient vraiment tout les deux !
Une
autre situation m'interpelle. Je vais alors dans le salon car je
ressens le besoin de m'asseoir dans l'angle du canapé. A ce
moment là, j'ai l'impression d'être lui, d'être Eric. Il ne me
parle pas directement. Ce sont ces ressentis, ce qu'il est en lui qui
me fait agir. Je m’assois donc à ma place en tant qu'Eric. Dans
cette continuité, je tourne mon regard vers le côté gauche du
canapé d'angle là où il y a des pieds nus dans le prolongement
d'un corps. C'est en effet ceux de Marie-José.
La
télé est de biais face au canapé. Ma vision stagne vers un meuble
living, plus précisément vers un tiroir où se trouve un papier à
laquel tient Eric. Ses pensées viennent à mes pensées. Il y a un
message qu'il vous offre, dis-je. Marie-José, surprise, ouvre le
tiroir et fouille sans rien trouver de particulier. Je viens à sa
rencontre avant qu'elle le referme et lui pointe mon doigt vers un
papier noir. Elle me regarde encore plus étonnée car elle se confie
en me disant qu'elle avait eu envie de le jeter il y a une semaine.
Mon questionnement est sur son contenu car Eric semble vouloir
préciser que ce message s'adresse à elle encore aujourd'hui.
Marie-José stupéfaite et même d'un ton sec traduit ne pas
comprendre car elle pensait qu'il ne l'aimait plus vu comment il la
traitait mal ces derniers temps. Je lui demande de lire ce message,
cette carte. C'était à ma première année de rencontre, il y a 24
ans, dit-elle émue. Je lui avait écrit un beau message d'amour.
On
revient vers le balcon car je sens finalement le moment de faire
monter Eric vers la Lumière. Je rentre en connexion avec lui,
m'ouvrant sur son canal vibratoire pour qu'il me perçoive enfin pour
de bon. Il me dit de m'adresser à elle en revenant sur cet appel
téléphonique manqué, la veille au soir, avant son décès. Elle
me regarde en me confiant comprendre ce qu'Eric veut dire. Il
semblait en colère, déçu. Il y a beaucoup d'émotions. Marie-José
me dit qu'elle n'avait pas voulu lui répondre et qu'elle avait
décidé de ne pas rappeler, fatiguée de ses nombreux coups de fils
futiles.
Le
lendemain matin, il se défenestrait.
Marie-José
prend la parole et ressent le besoin de me parler d' un rasoir
qu'elle conservera. Je fis alors le lien avec ce mot que j'avais
entendu.
Lorsque
le moment me parut opportun, j'ai demandé s'ils souhaitaient
échanger et s'expliquer avant qu'Eric parte de l'autre côté.
Nous
avions les larmes aux yeux. Je ressentais Eric ému et content de
partir, de se sentir libérer. Mais il attendait des excuses de
Marie-José et vis-versa. Et c'est par miracle ce qu'elle fit sans
que j'ai le temps de le formuler. Il avait besoin de son pardon et de
son véritable amour pour le rendre libre, c'est ainsi que je le vis
s'éloigner vers la lumière.
Marie-José
se mit à pleurer dans mes bras pendant que j'entendais Eric me dire
"Merci" et encore Merci" à plusieurs reprises.